L’armure complète du chrétien

Méditation sur Ephésiens 6: 10-20 de Prod'hom S.

 

L'épître aux Ephésiens correspond, pour l'Eglise, au livre de Josué pour Israël. Elle présente au chrétien ses bénédictions; leur sphère: dans les lieux célestes en Christ; leur caractère céleste et leur nature; ces bénédictions sont spirituelles en contraste avec les bénédictions d'Israël qui étaient matérielles et terrestres.

Dieu avait donné tout le pays de Canaan à son peuple, Josué 1: 1-4; mais il devait en prendre possession, ne devant jouir que de tout lieu que foulerait la plante de ses pieds. De même, Dieu nous a «bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ» (Ephésiens 1: 3-l). C'est la part de tout croyant; mais comme Israël, nous ne pouvons en jouir que dans la mesure où nous nous les approprions. Il ne suffit pas que nous possédions de telles bénédictions en les saisissant objectivement, par la foi, il faut une vie pratique qui nous permette de les réaliser dans nos âmes.

La sphère de nos bénédictions étant les lieux célestes, nous y trouvons des ennemis bien plus terribles que les Anakims; notre lutte n'est pas contre la chair et le sang, comme était celle d'Israël, mais «contre les principautés, contre les autorités, — contre les dominateurs de ces ténèbres, contre la puissance spirituelle de méchanceté qui est dans les lieux célestes,» savoir le Diable et ses anges: des créatures d'un ordre plus élevé que l'homme, déchues quant à leur position primitive, mais encore revêtues de leur puissance et de leur dignité, comme on le voit en Jude 9. Ce sont des choses que nous avons à considérer afin de nous rendre compte de la nature de nos ennemis, et de comprendre la nécessité d'être revêtus d'une armure par laquelle nous puissions leur résister. Une seule nous en rendra capables, c'est l'armure complète de Dieu. De fait, c'est Christ lui-même, mais Christ manifesté pratiquement dans toute notre marche. Lui est notre vie et le modèle de cette vie; il a vaincu l'Ennemi lors de la tentation, au désert; il a marché dans une obéissance parfaite à son Dieu et Père, pouvant dire à la fin de son ministère au milieu des hommes: «Le chef du monde vient, et il n'a rien en moi.» Or, si nos ennemis spirituels rencontrent Christ en nous, ils ne pourront nous empêcher d'entrer en possession de nos bénédictions. Nous trouvons cette armure dans les versets que nous avons lus, afin que nous puissions entrer pratiquement dans la jouissance des bénédictions que l'épître aux Ephésiens nous présente.

Il peut être utile de signaler la différence entre la lutte pour réaliser nos bénédictions célestes en Christ, et les luttes qui ont lieu dans le désert. Ce n'est qu'après avoir quitté ce dernier que le peuple, franchissant le Jourdain, put entrer en Canaan. Ce pays tout entier était assuré à Israël à sa sortie d'Egypte et il aurait pu y arriver en onze journées de chemin. Mais l'état de son coeur ne le lui permettait pas; il avait à faire des expériences relativement à Dieu et à lui-même. Il fallait qu'il apprît à se connaître, comme Moïse le dit en Deutéronome 8. Si nous croyions toujours la Parole de Dieu, nous n'aurions pas besoin de faire des expériences; mais il les faut parce que nous ne connaissons assez, ni Dieu, ni nous-mêmes Romains 5: 3-5). Même après avoir fait ces expériences, nous oublions facilement ce qu'est notre vieille nature et nous retournons faire une étape dans le désert, au lieu d'avancer dans le pays de Canaan. C'est que nous n'avons pas encore compris que le cœur naturel est incorrigible, que Dieu ne lui demande rien: que notre vieil homme a pris fin dans la mort de Christ, correspondant au Jourdain que le peuple traversait pour aborder le pays dans un état nouveau, pendant que l'arche — Christ — se tenait au milieu du fleuve. C'est donc lorsque nous réalisons le côté de la mort de Christ typifié par le Jourdain, que nous pouvons entrer pratiquement dans notre Canaan céleste, et que le vrai combat commence. Car on ne rencontre les ennemis que lorsqu'on est entré dans le pays qu'ils occupent. Jusque là, les luttes du désert avaient affaire avec le moi, avec le vieil homme incorrigible; elles sont plutôt un débat avec nous-mêmes, ayant pour résultat la connaissance de notre mauvaise nature, jusqu'à ce que nous puissions dire en ma chair, il n'habite point de bien,» et: «Nous n'avons pas confiance en la chair.» La différence entre la lutte du désert et celle de Canaan, consiste donc en ce que la première est avec la chair et la seconde avec l'Ennemi qui voudrait nous empêcher de prendre possession de nos bénédictions célestes. Pour Israël l'une succédait à l'autre; il n'entrait en Canaan qu'après avoir terminé l'expérience du désert. Pour nous, les deux se réalisent pendant que nous sommes ici-bas, quoique pas au même moment. Il y a un temps, surtout au début de notre vie chrétienne, souvent peut-être dans sa plus grande partie, si même, hélas! il ne comprend pas toute la vie, où l'on a affaire avec soi-même, pour arriver à ce que l'on appelle l'affranchissement. Ce dernier consiste à comprendre et à mettre en pratique notre mort avec Christ. Alors nous pouvons livrer le combat aux ennemis qui nous disputent la possession des biens qui nous appartiennent. Mais, dès que nous perdons de vue ce qu'est la chair, en négligeant de la tenir pour crucifiée avec Christ, nous rentrons dans le cadre des expériences du désert, et nous perdons du temps et souvent du terrain, jusqu'à ce que, par la grâce de Dieu, en tenant le vieil homme à sa place, nous puissions reprendre l'armure et combattre en Canaan.

Il nous faut donc l'armure complète de Dieu. Toute autre laisserait l'avantage à l'ennemi. Elle nous est décrite pièce à pièce dans les versets que nous avons lus. Au premier abord, cette armure paraît être quelque chose d'extraordinaire qui ne peut être à la portée que de quelques privilégiés, mais elle est divine et simple; et chaque croyant peut la revêtir. Comme nous l'avons déjà dit, le Seigneur Jésus, notre modèle en toutes choses, nous a montré comment un homme peut la revêtir pour faire face à la puissance diabolique, en demeurant sous la dépendance de Dieu et dans l'obéissance à sa Parole. Puisque Christ est notre vie et que nous possédons le Saint Esprit comme puissance de cette vie, nous pouvons l'imiter. Il s'agit simplement pour nous d'un bon état pratique formé par l'action de la Parole sur le coeur et la conscience, et qui nous amène à manifester dans la pratique les caractères de Christ. Si Satan rencontre Christ en nous, il ne nous peut rien, parce que Christ l'a vaincu. Car ce qui est vrai en Lui est vrai en nous, dit l'apôtre Jean.

En premier lieu, pour revêtir une armure, il faut être fort: «Fortifiez-vous dans le Seigneur et dans la puissance de sa force.» Se nourrir de Lui est le seul moyen d'être fortifié en Lui et de connaître la puissance de sa force. Quelqu'un qui ne se nourrit pas suffisamment est débile, il ne pourrait porter une armure et encore moins combattre. La cause de tant de faiblesse, de tant d'incapacité spirituelle chez le chrétien, ne devons-nous pas la chercher dans ce que nous nous nourrissons si peu de Christ?

Ensuite il ne faut pas attendre le moment du combat pour s'armer; c'est en temps de paix que le monde se prépare à la guerre. Il peut y avoir de mauvais jours à traverser; des jours où l'on éprouve plus particulièrement la puissance de Satan; ceux où nous sommes, les derniers jours du témoignage, sont bien de mauvais jours (2 Timothée 3: 1). C'est pourquoi nous devons constamment être en état de résister, «et après avoir tout surmonté de tenir ferme».

Toutes les pièces de l'armure dépendent les unes des autres; pas une ne peut manquer sans exposer à l'ennemi une partie vulnérable. La première pièce: «les reins ceints de la vérité», fortifie l'être tout entier, les reins étant le siège de la force. Il faut que la vérité de Dieu prenne possession du cœur et de la conscience, y produise tous ses effets sanctifiants, excluant tout ce qui fait partie de notre entendement corrompu pour que notre être tout entier soit caractérisé par la vérité. La chose étant réalisée, nous sommes amenés tout naturellement à la seconde partie de l'armure: «La cuirasse de la justice»: une bonne conscience, résultant d'un état caractérisé par la vérité, où nous ne pouvons nous permettre que ce qui est juste dans toute notre voie. Satan ne peut rien avancer contre celui dont la marche est réglée par la parole de vérité et conduite dans «les sentiers de justice», comme dit le Psaume 23. Ensuite cette marche se confirme par la paix qu'apporte l'Evangile et qui se répand autour de nous: «Ayant chaussé vos pieds de la préparation de l'évangile de paix.» Un homme heureux est aimable, a dit quelqu'un, tandis que le malaise que donne une mauvaise conscience rend toujours mécontent des autres parce que l'on est mécontent de soi. «Par dessus tout, prenant le bouclier de la foi, par lequel vous pourrez éteindre tous les dards enflammés du méchant.» La confiance en Dieu, qui est pour nous, et ne change pas à notre égard, lors même que nous changeons si souvent, donne une parfaite assurance vis-à-vis de l'ennemi, habile à diriger contre nous ses flèches empoisonnées, fruit parfois de nos propres manquements. Cette confiance en l'amour immuable de notre Dieu rend le bras ferme pour porter le bouclier de la foi. Nous comptons sur Dieu à cause de ce qu'il est et non à cause de ce que nous sommes; et si toutes les autres pièces de l'armure sont à leur place, nous sommes en règle avec Lui et pouvons d'autant plus compter sur lui. On a dit avec raison que «bonne conscience donne bonne confiance».

L'apôtre dit ensuite: «Prenez aussi le casque du salut.» Cette pièce de l'armure ne s'ajoute que la dernière, toutes les autres étant ajoutées les unes aux autres. C'est alors seulement que le chrétien peut se présenter devant le monde et Satan avec la certitude de son salut, c'est-à-dire avec le salut comme protection. Il ne convient pas au chrétien dans un mauvais état de se vanter de son salut. C'est une inconséquence qui permettra à l'ennemi de paralyser tous nos mouvements, et de remporter la victoire. Lorsque toutes les pièces de l'armure sont en place, et elles sont toutes défensives, nous pouvons saisir la seule pièce offensive: «L'épée de l'Esprit qui est la Parole de Dieu». C'est après avoir laissé la Parole opérer en nous pour produire un état qui constitue l'armure complète de Dieu, que nous pouvons nous servir de cette même Parole pour d'autres, n'ayant pas à craindre que l'ennemi, qui sait aussi s'en servir, réussisse à faire tomber cette épée de nos mains. Si nous sommes entièrement sous la dépendance de Dieu, nous aurons la parole convenable pour le moment opportun: «Il est écrit»; «il est aussi écrit». Alors nous avancerons sur le terrain de l'ennemi, pour délivrer par la présentation de l'Evangile, ceux qu'il tient encore captifs, tandis que, si le monde, qui observe notre marche, ne peut discerner les caractères de la vie divine en nous, et nous voit agir comme lui, comment recevra-t-il l'Evangile de notre part?

Nous avons déjà remarqué que toutes les pièces de l'armure divine sont étroitement liées les unes aux autres. On ne peut pratiquer la justice sans la vérité; on ne peut être chaussé de la préparation de l'évangile de paix, ni porter le bouclier de la foi, sans une bonne conscience — la cuirasse de la justice — et, on ne peut avoir le casque du salut, indépendamment de toutes les autres pièces de l'armure.

Revêtus de cette armure complète, nous sentirons plus que jamais notre faiblesse et notre dépendance de Dieu. Nous demeurerons devant lui dans le sentiment de notre entière faiblesse pour paraître devant le monde avec la force du Seigneur. La prière, par l'Esprit, accompagnera toujours l'usage de l'épée de l'Esprit: «Priant par toutes sortes de prières et de supplications, en tout temps, par l'Esprit, et veillant à cela avec toute persévérance et des supplications pour tous les saints, et pour moi, afin qu'il me soit donné de parler à bouche ouverte…» La prière constante et la supplication s'adresse à Dieu pour nous-mêmes, sans doute, mais aussi pour tous les saints et pour les serviteurs du Seigneur qui présentent l'Evangile, et sont particulièrement exposés aux attaques de l'ennemi, pour s'opposer à l'oeuvre du Seigneur et à son témoignage. L'apôtre faisait connaître jadis le mystère de l'Evangile, aujourd'hui nous avons à le maintenir, au milieu des ruines de ce qu'il avait édifié. L'exhortation à prier pour tous les saints et pour ceux qui travaillent à l'oeuvre du Seigneur est en rapport avec le grand sujet de cette épître qui est le corps de Christ, composé de tous les vrais croyants. Au chapitre 3 nous sommes exhortés à comprendre avec tous les saints «quelle est la largeur et la longueur, et la profondeur et la hauteur» des bénédictions dont Christ est le centre. Au chapitre 6, nous devons porter intérêt à tous les saints en priant pour eux tous. Exhortation bien actuelle en un temps où, dans notre faiblesse et notre peu d'amour, nos cœurs se rétrécissent, et où nos prières ne dépassent guère nos propres besoins où ceux de notre entourage immédiat.

Prier en tout temps avec persévérance et supplications, sera aussi pour nous le moyen d'être maintenus munis de l'armure complète de Dieu, afin de prendre possession des bénédictions que cette épître nous présente, et de faire ce que le Seigneur demande de nous.

Nous avons tout particulièrement besoin de persévérer dans la prière et d'en trouver le temps, dans ce siècle affairé où tant de moments, qui pourraient y être consacrés, sont occupés par des choses vaines. Quelqu'un a dit que le chrétien qui ne prend pas le temps de prier est semblable à un capitaine de navire qui ne prendrait pas le temps de faire du charbon. Il n'irait pas loin! Sans la prière, comme un vaisseau sans énergie motrice, nous irions à la dérive, au milieu d'un monde rempli d'écueils.