Vous parlez de cœur, mais de quel cœur parlez-vous ?

« Nos cœurs » par Paul Fuzier

paru dans le Messager Evangélique de 1949 p. 316

 

Remarque préliminaire de l’éditeur

Lorsque l’on parle de cœur, il en s’agit pas d’expressions émotives de notre cœur naturel, mais du secret le plus profond de nous-mêmes (comme le cœur d’un arbre), et c’est à ce niveau-là, dans le cœur alors renouvelé, celui du nouvel homme, lors de sa naissance (forcément la nouvelle) que se développent de vraies et sincères affections pour le Seigneur Jésus !

Beaucoup de prédicateurs ne font pas cette différence importante, ce qui conduit les âmes dans une légèreté coupable ! Cette méditation du frère Paul Fuzier aidera les âmes à mieux comprendre le message divin, et non seulement le comprendre, mais le laisser pénétrer dans le fond du cœur, afin de produire du fruit pour Dieu.

« Le cœur est trompeur par dessus tout, et incurable : qui le connaît ? Moi, l’Éternel, je sonde le cœur, j’éprouve les reins ; et cela pour rendre à chacun selon ses voies, selon le fruit de ses actions » (Jérémie 17 v.9-10).

L’homme ne connaît pas son cœur. Il constate le mal qui règne autour de lui dans ce monde ; il ira parfois jusqu’à discerner, dans une certaine mesure, celui qu’il accomplit lui-même, mais il ne comprend pas que tout cela provient d’une source mauvaise et corrompue : le cœur. Alors qu’Il était sur la terre, le Seigneur l’a enseigné à ses disciples : « Car du cœur viennent les mauvaises pensées, les meurtres, les adultères, les fornications, les vols, les faux témoignages, les injures... » — sept manifestations de ce qu’est le cœur de l’homme (Matthieu. 15:19 ; voir aussi Marc 7:21-22). L’homme acceptera d’accomplir les rites d’une religion, de se soumettre à toutes sortes de cérémonies, mais il n’aime pas qu’on lui dévoile l’état de son cœur. À plus forte raison ne peut-il accepter de reconnaître que son mauvais cœur est « incurable » ! S’il veut bien convenir, généralement, que tout n’est pas parfait en lui, il est convaincu cependant qu’il y a de bonnes choses dans son cœur et il déploie souvent de méritoires efforts pour essayer de les mettre en valeur, pour améliorer le « vieil homme ».

Dieu s’adresse à celui qui est ainsi aveuglé quant à son état, mais désire pourtant se bien conduire. Il parle à la conscience : « Jetez loin de vous toutes vos transgressions dans lesquelles vous vous êtes rebellés, et faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau » (Ézéchiel 18:31). Ce n’est pas encore l’appel de la grâce. Dieu déclare, en quelque sorte, à celui qui espère devenir meilleur, que son cœur étant mauvais et incurable, il ne pourra faire le bien qu’avec un cœur nouveau et Il le met à l’épreuve : fais-toi un cœur nouveau !

Hélas ! la chose est impossible à l’homme le plus honnête et le plus décidé à plaire à Dieu. Il faut une œuvre divine opérée dans le cœur !

Des épreuves sont parfois dispensées afin que l’homme devienne accessible au message de la grâce : « Le cœur est rendu meilleur par la tristesse du visage » (Ecclésiaste 7:3). Cela ne veut pas dire que le cœur de l’homme peut être amélioré, mais que l’on peut parler plus facilement à celui qui est affligé ; dans « la maison de deuil » on est, la plupart du temps, disposé à écouter. Le cœur a été préparé par Dieu pour recevoir sa Parole : ce ne sont plus les trois premiers terrains de la parabole — chemin, roc ou épines — dans lesquels la semence ne peut produire aucun fruit, c’est « la bonne terre », préalablement labourée. « Ce qui est dans la bonne terre, ce sont ceux qui, ayant entendu la parole, la retiennent dans un cœur honnête et bon, et portent du fruit avec patience » (Luc 8 v.4 à 15). Dieu prépare, puis Il ouvre le cœur pour que la Parole soit reçue, comme Il le fit autrefois pour Lydie : « Et une femme, nommée Lydie... écoutait ; et le Seigneur lui ouvrit le cœur, pour qu’elle fût attentive aux choses que Paul disait » (Actes 16:14).

La Parole, ainsi reçue dans le cœur, agit pour y accomplir une œuvre divine. C’est une Parole « vivante et opérante, et plus pénétrante qu’aucune épée à deux tranchants... » (Hébreux 4:12). Elle amène l’homme à discerner l’état de son cœur, à comprendre l’incapacité dans laquelle il se trouve de l’améliorer, de se faire « un cœur nouveau », et, « rejetant toute saleté et tout débordement de malice », il reçoit alors « avec douceur la parole implantée qui a la puissance de sauver son âme » (Jacques 1:21).

L’œuvre de la nouvelle naissance est ainsi accomplie par la Parole et l’Esprit de Dieu : « et je répandrai sur vous des eaux pures... Et je vous donnerai un cœur nouveau... et je mettrai mon Esprit au dedans de vous » (Ézéchiel 36:25 à 27 ; cf. Jean 3:5 : « Si quelqu’un n’est né d’eau et de l’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu », voir aussi Ézéchiel 11:19).

Avec ce cœur nouveau, Dieu est véritablement connu : « Et je leur donnerai un cœur pour me connaître... » — et craint : « et je leur donnerai un seul cœur, et une seule voie, pour me craindre tous les jours... » (Jérémie 24:7 ; 32:39).

C’est alors que commence la vie chrétienne.

Dans les jours actuels — conséquence, peut-être, du développement des études — l’intellectualisme fait çà et là d’inquiétants progrès : par sa propre intelligence, l’homme voudrait entrer dans les choses de Dieu, il s’efforce à les comprendre et prétend les expliquer, ignorant que Dieu « a caché ces choses aux sages et aux intelligents » et que « personne ne connaît les choses de Dieu... si ce n’est l’Esprit de Dieu » (Matthieu 11:25 ; 1 Corinthiens 2:11, lire tout ce chapitre).

Par l’œuvre de la nouvelle naissance, Dieu renouvelle notre entendement (Romains 12:2) et nous donne une intelligence orientée tout autrement que l’intelligence naturelle : la « pure intelligence » de 2 Pierre 3:1, par le moyen de laquelle le Saint Esprit nous fait entrer dans la connaissance des « choses de Dieu » afin que nous puissions vivre le christianisme. Remarquons bien que la « pure intelligence » nous est donnée à la suite d’un travail opéré par Dieu dans le cœur et la conscience ; ensuite, que son développement est lié à l’état du cœur.

Si, par exemple, un croyant a le cœur rempli des choses de la terre, son intelligence spirituelle ne se développera guère ; s’il est dans un mauvais état, si son cœur « s’égare » (cf. Psaumes 95:10), il pourra être, comme le peuple d’Israël, l’objet du gouvernement de Dieu (Ésaïe 6:9-10 ; Matthieu 13:13-15 ; Marc 4:11-12 ; Jean 12:39-40 ; Actes 28:26-27) et la Parole sera sans doute un livre fermé pour lui jusqu’à ce qu’il soit restauré.

Le christianisme, s’il est affaire d’entendement, est donc par-dessus tout affaire de cœur (cf. Romains 10:10). Il faut le souligner, car la chair agissant en lui peut conduire le croyant lui-même à s’occuper des choses de Dieu sans que son cœur soit vraiment exercé. C’est un état très dangereux : les vérités de la Parole sont alors connues par l’intelligence, mais n’opèrent pas dans le cœur. Une connaissance intellectuelle des Écritures ne suffit pas, c’est la connaissance du cœur qui enrichit et dont les fruits sont manifestés dans la vie pratique.

Pour tout ce qui concerne le chemin du croyant ici-bas, c’est le cœur qui doit être en exercice, ce sont les affections pour Christ qui doivent être le mobile de toutes les actions. Christ est mort pour nos péchés, Il a été ressuscité pour notre justification, Il est maintenant glorifié dans le ciel. Morts et ressuscités avec Lui, nous sommes exhortés à « chercher les choses qui sont en haut, le Christ est assis à la droite de Dieu », à « penser aux choses qui sont en haut, non pas à celles qui sont sur la terre » (Colossiens 3:1-2). Nous le réaliserons pratiquement si Christ est l’objet de nos cœurs, notre seul trésor. « Car là où est votre trésor, là sera aussi votre cœur » (Luc 12:34 ; voir aussi Matthieu 6:21).

Toute la vie du croyant montrera si les affections du cœur sont dirigées vers Christ ou vers d’autres objets. Combien donc est essentielle l’exhortation si souvent rappelée : « Garde ton cœur plus que tout ce que l’on garde, car de lui sont les issues de la vie » (Proverbes 4:23). Si notre cœur est gardé pour Christ, si nos affections sont concentrées sur sa Personne, les « issues » ou les « résultats » de notre vie seront à sa gloire. Une vie ruinée, des «résultats» désastreux, ne sont-ils pas la conséquence du fait que le cœur n’a pas été gardé ? Les versets qui suivent celui que nous venons de citer, dans le chapitre 4 du Livre des Proverbes, se rapportent à la marche. Certes, pour marcher fidèlement, le croyant a besoin d’être attentif à ces exhortations : « que tes yeux regardent droit en avant, et que tes paupières se dirigent droit devant toi. Pèse le chemin de tes pieds, et que toutes tes voies soient bien réglées. N’incline ni à droite ni à gauche ; éloigne ton pied du mal » (v. 25 à 27). Mais n’est-il pas remarquable qu’en premier lieu la Sagesse dise au fils qu’elle a engendré : « Garde ton cœur... » ? Avant de regarder à nos pieds, il est nécessaire de regarder à notre cœur ! Si nous perdons cela de vue, nous serons en grand danger de broncher ou de nous écarter du droit chemin.

La prospérité matérielle — que Dieu peut nous accorder afin que nous ayons le privilège d’employer pour Lui ce qu’Il nous a confié — est souvent un piège pour le croyant. Le cœur s’attache facilement aux richesses et souvent à un point tel qu’il en devient l’esclave. Quand toute la vie du chrétien est gouvernée par l’acquisition, la conservation et l’accroissement des richesses, les « issues » ne seront guère à la gloire du Seigneur. « Si les biens augmentent, n’y mettez pas votre cœur » (Psaume 62:10). Christ est « notre richesse, notre seul vrai bonheur », Il est le seul objet digne de captiver et de remplir nos cœurs !

Ne nous fions pas aux apparences ! Nous nous en contentons trop souvent. Elles peuvent tromper nos frères, les hommes qui nous entourent, peut-être nous illusionner nous-mêmes, mais ne tromperont jamais Celui qui regarde au cœur. Le vrai christianisme n’est pas fait d’apparences et ne s’en satisfait pas. « L’homme regarde à l’apparence extérieure, et l’Éternel regarde au cœur » (1 Samuel 16:7). C’est à Dieu que nous avons affaire et, avant tout, c’est devant Lui qu’il faut marcher, avec un cœur droit.

Un chrétien fidèle hait ce que Dieu hait et aime ce qu’Il aime. Pour le réaliser pratiquement, il rencontre deux obstacles, l’un extérieur, l’autre intérieur : le monde et son propre cœur. Le monde n’est pas toujours hostile, il présente ce que le cœur convoite et désire ; il offre parfois un caractère attirant ; mais celui dont le cœur est attaché à Jésus le considérera — quel que soit l’aspect qu’il revête — comme le monde qui a rejeté Christ et l’a crucifié. Notre cœur naturel est toujours le même, car la chair est toujours en nous et son caractère n’a jamais changé et ne changera jamais. Aussi avons-nous besoin de demander sans cesse : « Sonde-moi, Ô Dieu, et connais mon cœur... » (Psaume 139:23-24). Dieu seul connaît notre cœur, nos pensées les plus secrètes, les mobiles de nos actes, et peut nous arrêter s’il y a en nous « quelque voie de chagrin » et nous conduire « dans la voie éternelle ».

Pour le faire, Il nous discipline. Alors qu’Israël allait atteindre le pays de la promesse. Moïse lui déclara : « Et tu te souviendras de tout le chemin par lequel l’Éternel, ton Dieu, t’a fait marcher ces quarante ans, dans le désert, afin de t’humilier et de t’éprouver, pour connaître ce qui était dans ton cœur, si tu garderais ses commandements ou non. » (Deutéronome 8:2). Dans un désert, il n’y a ni chemin ni ressources. Ce monde est tel pour le croyant. Mais il expérimente que Dieu y a pour lui un chemin et des ressources mises à sa disposition. Ce sont les soins variés de sa grâce !La discipline en fait partie. Elle est dispensée pour manifester l’état de notre cœur !Ce chemin, dans lequel Israël avait à marcher, devait montrer s’il garderait les commandements de l’Éternel ou non, et par conséquent mettre au jour ce qu’il y avait dans son cœur. Nous retrouvons ici la même pensée que celle contenue dans d’autres passages : l’obéissance pratique manifeste l’état du cœur — et il faut d’abord veiller sur son cœur afin de pouvoir ensuite marcher fidèlement. La discipline que Dieu nous envoie a un autre résultat : elle nous conduit à nous rejeter sur Christ, elle nous le fait désirer ; Dieu a humilié le peuple, lui a fait avoir faim, afin de lui faire manger la manne... (Deutéronome 8:3).

Pour garder ses commandements, il faut d’abord les connaître, et cette connaissance est liée à l’état du cœur. Le roi Salomon n’avait pas demandé une oreille qui écoute, mais « un cœur qui écoute » (1 Rois 3:9). Si la Parole entendue ne pénètre pas jusqu’à notre cœur pour y opérer et y former nos affections pour Christ, il n’y aura pas de résultats produits dans notre marche. « Mon fils, n’oublie pas mon enseignement, et que ton cœur garde mes commandements ... que la bonté et la vérité ne t’abandonnent pas ; lie-les à ton cou, écris-les sur la tablette de ton cœur » (Proverbes 3:1-3). Pour que nous puissions entrer dans la connaissance de ce que Dieu veut nous révéler, il est nécessaire que « les yeux de notre cœur soient éclairés » (Éphésiens 1:18). Il serait facile de multiplier les passages qui nous montrent que, pour comprendre la Parole et pour la mettre en pratique, il faut qu’elle ait pénétré dans le cœur. « Et ces paroles que je te commande aujourd’hui seront sur ton cœur... » (Deutéronome 6:6). Ce que cherche l’oreille, c’est le cœur qui l’acquiert : « Le cœur de l’homme intelligent acquiert la connaissance, et l’oreille des sages cherche la connaissance » (Proverbes 18:15).

Bien des faux docteurs essayent de séduire les âmes (cf. 2 Timothée 2:16 à 18 ; 4:3-4). Ils y réussissent souvent lorsqu’il n’y a qu’une connaissance intellectuelle des Écritures, car elle fait en réalité obstacle au vrai développement spirituel et maintient l’âme dans un état d’enfance ; les « petits enfants » sont « ballottés et emportés çà et là par tout vent de doctrine dans la tromperie des hommes, dans leur habileté à user de voies détournées pour égarer... » Tandis qu’au contraire, leurs efforts sont vains chaque fois qu’il y a la connaissance du cœur : « ... mais que, étant vrais dans l’amour, nous croissions en toutes choses jusqu’à lui qui est le chef, le Christ » (Éphésiens 4:14-15). Israël était invité à refuser d’écouter les faux prophètes et songeurs de songes qui engageaient le peuple à aller « après d’autres dieux », et il est ajouté : « car l’Éternel, votre Dieu, vous éprouve, pour savoir si vous aimez l’Éternel, votre Dieu, de tout votre cœur et de toute votre âme » (voir Deutéronome 13:1 à 5). Ne le perdons pas de vue, la présentation de fausses doctrinessoit par des orateurs après lesquels on court parce qu’ils parlent bien, soit par tant de ces « bonnes lectures » qui contiennent un peu de bon mais beaucoup de mauvaisest une épreuve pour nos cœurs. Un cœur fidèle s’en détournera résolument, refusera d’aller entendre ou de lire ce qui n’est pas « le sain enseignement », tandis qu’un christianisme purement intellectuel recherchera un peu partout ce qui peut séduire l’esprit et sera en grand danger d’aller ainsi « après d’autres dieux ».

L’objet de notre « recherche », ce n’est pas ce qui a pu être écrit ou ce qui peut être dit, ici ou là, dans le but de trouver des pensées nouvelles, des explications subtiles, une argumentation savantel’objet de notre recherche, c’est Christ. Et c’est le cœur qui cherche Christ ! « Tu le trouveras, si tu le cherches de tout ton cœur et de toute ton âme » (Deutéronome 4:29). « Bienheureux ceux qui gardent ses témoignages, qui le cherchent de tout leur cœur » (Psaume 119:2). C’est là seulement qu’est le secret du bonheur pour le croyant, le secret de la joie : « que le cœur de ceux qui cherchent l’Éternel se réjouisse ! » (Psaume 105:3). Le Saint Esprit nourrit nos âmes de Christ, développe nos affections pour Lui, fortifie en puissance notre homme intérieur, afin que « le Christ habite, par la foi, dans nos cœurs » (Éphésiens 3:16-17). Le croyant fidèle s’attache à Lui parce qu’il a appris à le connaître ; il l’a cherché de tout son cœur et le Saint Esprit, pouvant opérer sans qu’il y ait d’obstacle à l’exercice de son activité, a placé cette Personne comme objet, dans le cœur de celui qui ne désirait que cet objet. Barnabas exhortait les chrétiens d’Antioche — et « les exhortait tous » — « à demeurer attachés au Seigneur de tout leur cœur » (Actes 11:23). Ce n’est pas l’intelligence naturelle qui attache au Seigneur, ce sont les liens du cœur.

Nous l’avons déjà remarqué, il faut d’abord un cœur tout est en ordre et dans lequel il y a des affections toujours fraîches pour Christ, si nous voulons pouvoir réaliser une vie pratique qui plaise au Seigneur. En parlant de son peuple terrestre — il faut souvent revenir à son histoire, car elle est riche d’enseignements pour nous — l’Éternel disait à Moïse : « Oh ! s’ils avaient toujours ce cœur-là pour me craindre et pour garder tous mes commandements, afin de prospérer, eux et leurs fils, à toujours ! » (Deutéronome 5:29). La Parole, serrée dans le cœur, et non dans la tête seulement, la marche sera caractérisée par l’obéissance à la volonté de Dieu : « J’ai caché ta parole dans mon cœur, afin que je ne pèche pas contre toi » (Psaume 119:11). Le péché, c’est la propre volonté. Pour accomplir sa volonté en nous, Dieu est souvent obligé de briser la nôtre dans nos cœurs. « Bienheureux... ceux dans le cœur desquels sont les chemins frayés » (Psaume 84:5). Un chemin frayé est un chemin duquel tout obstacle a été ôté. Dieu opère dans nos cœurs pour les débarrasser de tout ce qui nous empêcherait d’être soumis à sa volonté, pour y « frayer des chemins ».  S’il faut alors traverser la vallée de Baca, l’âme, heureuse au travers des larmes, pourra dire dans une mesure ce que notre parfait Modèle a exprimé tandis qu’Il cheminait ici-bas : « Oui, Père, car c’est ce que tu as trouvé bon devant toi ».  En Lui, il n’y avait que des « chemins frayés » ! Prendre son joug, apprendre de Lui, pour trouver le repos de l’âme, dans une soumission paisible et confiante à la volonté du Père, sans qu’il y ait dans le cœur aucune propre volonté, permettra au croyant éprouvé de faire de la vallée de Baca une fontaine et d’y recueillir la pluie de bénédictions (Psaume 84:6 ; Matthieu 11:26-29).

Dans ce chemin, Christ, homme parfaitement dépendant, a été le parfait Serviteur (Matthieu. 11). Nous sommes aussi appelés à servir et un service fidèle ne peut être rempli que dans la dépendance, sans aucune propre volonté et par un cœur qui aime. Samuel disait au peuple d’Israël : « Servez l’Éternel de tout votre cœur... craignez l’Éternel, et servez-le en vérité, de tout votre cœur ; car voyez quelles grandes choses il a faites pour vous » (1 Samuel 12:20-24). La règle générale du service chrétien demeure celle donnée par l’apôtre aux Colossiens : « Quoi que vous fassiez, faites-le de cœur comme pour le Seigneur... : vous servez le Seigneur Christ » (Colossiens 3:23-24). Quel dévouement que celui de Néhémie pour Jérusalem, pour rebâtir les murailles, pour surmonter les obstacles que les ennemis du dehors et du dedans plaçaient devant lui, pour continuer son service jusqu’au bout ! C’était Dieu qui lui avait « mis au cœur » de le faire ! (Néhémie 2:12). La sainte activité qu’il déploie, l’énergie qu’il manifeste en tant de circonstances découlent de ses affections pour son Dieu !

Amour pour Dieu, amour pour les enfants de Dieu ne sont pas le fruit d’une connaissance intellectuelle de la Parole, mais d’un cœur qui vibre pour Christ. La loi donnée à Israël réclamait l’amour du cœur : « Tu aimeras l’Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur... » (Deutéronome 6:5) et « la juste exigence de la loi » (Romains 8:4) est maintenant accomplie en nous, Dieu ayant donné son Fils pour nous délivrer et ayant opéré dans nos cœurs une œuvre en vertu de laquelle nous sommes nés de nouveau et possédons une nature divine, la nature même du Dieu d’amour. « Ayant purifié vos âmes par l’obéissance à la vérité,... aimez-vous l’un l’autre ardemment, d’un cœur pur, vous qui êtes régénérés, non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la vivante et permanente parole de Dieu » (1 Pierre 1:22-23). C’est cette nouvelle nature qui peut seule nous faire aimer Dieu et les frères. C’est le cœur qui aime, et non la tête !

Une parenthèse. Nous avons cité maints passages du livre du Deutéronome (et il en est bien d’autres encore). Il vaut la peine de remarquer pourquoi il est si souvent question du cœur, dans ce livre : le Deutéronome présente l’obéissance comme la condition nécessaire pour entrer dans la jouissance des bénédictions que Dieu veut accorder à son peuple ; cette obéissance n’est possible que si le cœur est touché, si les affections sont en exercice. Répétons-le encore : nous marcherons fidèlement dans la mesure dans laquelle notre cœur sera rempli de Christ. Israël devait le réaliser pour jouir de Canaan, nous devons le réaliser aujourd’hui pour jouir de la part céleste qui est la nôtre, pour vivre en ressuscités.

Cette marche fidèle est celle d’un homme qui se confie en Dieu et la confiance qui l’honore est celle du cœur : « Confie-toi de tout ton cœur à l’Éternel, et ne t’appuie pas sur ton intelligence » (Proverbes 3:5). La confiance conduit à la dépendance, car on aime dépendre de quelqu’un en qui on peut se confier sans réserve, de tout son cœur. La dépendance s’exprime par la prière : le cœur se tourne vers Dieu et, dans toutes les circonstances, même les plus difficiles, attend de Lui la direction et le secours. « Je t’ai imploré de tout mon cœur : use de grâce envers moi selon ta parole ».  — « J’ai crié de tout mon cœur ; réponds-moi, Éternel ! j’observerai tes statuts » (Psaume 119:58, 145). Quelle joie dans le cœur de celui qui dépend de Dieu et se confie en Lui ! « Car notre cœur se réjouira en lui, puisqu’en son saint nom nous avons mis notre confiance » (Psaume 33:21). N’est-Il pas digne de notre confiance Celui dont la puissance est infinie (Psaume 33 :6 à 11) et l’amour insondable ? (Psaume 33 :18 à 21). Il manifeste cette puissance et cet amour envers ceux « qui sont d’un cœur parfait envers lui » : « car les yeux de l’Éternel parcourent toute la terre, afin qu’il se montre fort en faveur de ceux qui sont d’un cœur parfait envers lui » (2 Chronique 16:9). « Mon bouclier est par devers Dieu qui sauve ceux qui sont droits de cœur » (Psaume 7:10).

Israël n’a pas su réaliser cette marche dans la dépendance, se confiant en Celui qui l’avait délivré du pays d’Égypte et voulait le conduire tout le long du chemin jusqu’au moment où Il l’introduirait en Canaan. Aussi l’Éternel dut dire de lui : « Quarante ans, j’ai eu cette génération en dégoût, et j’ai dit : c’est un peuple dont le cœur s’égare, et ils n’ont point connu mes voies » (Psaume 95:10). Nous l’avons vu, la bénédiction promise avait pour condition l’obéissance, et pour que cette obéissance fût possible, le cœur du peuple devait être gardé. C’est parce que son cœur s’est égaré qu’Israël n’a pas connu « les voies » de l’Éternel et n’a pu entrer dans son repos (v. 11). Le cœur est à la source ! Ces choses sont écrites pour nous servir d’instruction ! (Rom. 15. 4 ; 1 Cor. 10:11 : voir Héb. 3 et 4). Si même il y avait quelque apparence, le Seigneur ne s’arrête pas aux apparences, Il voit ce qui est dans le cœur. Ne le discernait-Il pas quand Il était ici-bas, disant à son peuple : « Ésaïe a bien prophétisé de vous, disant : ce peuple m’honore des lèvres, mais leur cœur est fort éloigné de moi... » (Matthieu 15:7-8 ; Ésaïe 29:13).

Aussi, dans l’œuvre de restauration qu’Il veut accomplir, c’est au cœur que le Seigneur s’adresse. Il le fera plus tard à l’égard d’Israël, caractérisé par un cœur « fort éloigné de lui » : « je lui parlerai au cœur » (Osée 2:14 et suivants). Quand le cœur du peuple sera touché, sa restauration s’accomplira, car le cœur est le chemin de la conscience.

Déjà, dans l’histoire passée du peuple, lorsque l’arche était perdue, à Kiriath-Jéarim, dans la maison d’Abinadab ensuite, Samuel avait parlé ainsi : « Si de tout votre cœur vous retournez à l’Éternel, ôtez du milieu de vous les dieux étrangers, et les Ashtoreths, et attachez fermement votre cœur à l’Éternel, et servez-le lui seul. » (1 Samuel 7:3). Plus tard, lors de la dédicace du temple. Salomon, considérant la fin de l’histoire d’Israël comme peuple responsable, demandait à l’Éternel « S’ils ont péché contre toi (car il n’y a point d’homme qui ne pèche), et que tu te sois irrité contre eux, et que tu les aies livrés à l’ennemi, et qu’ils les aient emmenés captifs dans le pays de l’ennemi... et s’ils reviennent à toi de tout leur cœur et de toute leur âme... alors, écoute... leur prière et leur supplication... et pardonne à ton peuple... » (1 Rois 8 : 46 à 53). L’humiliation vraie et sincère, c’est celle du cœur et non celle des lèvres seulement. « Ainsi, encore maintenant, dit l’Éternel, revenez à moi de tout votre cœur, avec jeûne, et avec pleurs, et avec deuil ; et déchirez vos cœurs et non vos vêtements... » (Joël 2:12-13).

Ce qui caractérisait, dans les premiers jours de l’histoire de l’Église, « la multitude de ceux qui avaient cru », c’est qu’ils étaient « un cœur et une âme » (Actes 4:32). Leurs affections étaient concentrées sur un même objet, c’est pourquoi — comme les Philippiens y seront plus tard exhortés — ils avaient « une même pensée... un même amour », étaient « d’un même sentiment, pensant à une seule et même chose » (Philippiens 2:2). « Toutes choses étaient communes entre eux ».  Quel est aujourd’hui, hélas ! l’état de la chrétienté ? La maison de Dieu sur la terre est devenue « une grande maison », dans laquelle se trouvent des vases, « les uns à honneur, les autres à déshonneur ».  Le fidèle est exhorté à se purifier de ceux-ci, à fuir les convoitises de la jeunessec’est-à-dire à se séparer de tout mal doctrinal et moral — et, sur ce terrain de séparation, à poursuivre le bien, « la justice, la foi, l’amour, la paix, avec ceux qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur » (2 Timothée 2:19-22). Un cœur qui n’a d’autre motif que plaire au Seigneur est un cœur « pur ».  Il ne s’agit par conséquent pas seulement d’avoir compris, saisi par l’intelligence, le caractère de la chrétienté aujourd’hui, la position que doit observer le fidèle et le terrain sur lequel il peut se joindre à d’autres, mais il importe essentiellement d’avoir des affections engagées avec le Seigneur, un « cœur pur ».  Comment discerner ceux qui ont un « cœur pur », avec lesquels nous pouvons nous grouper ? D’aucuns prétendent que la chose est impossible, qu’il ne nous appartient pas de juger des cœurs... Mais Dieu nous donnerait-Il, dans sa Parole, une instruction que nous ne pourrions suivre ? Ce que nous avons déjà remarqué nous permet de comprendre comment nous pouvons reconnaître ceux qui ont un « cœur pur » : c’est par l’obéissance à Dieu, à sa Parole, qu’est manifesté l’état du cœur fidèle.

2 Timothée 2:22 réalisé, les joies du rassemblement autour du Seigneur sont alors goûtées, malgré la ruine de l’Église responsable, malgré notre si grande faiblesse. Nous pouvons nous approcher, entrer par la foi dans le ciel même, « avec un cœur vrai », pour adorer (Hébreux 10:19-22). C’est avec un cœur vrai que le croyant s’approche, avec un cœur rempli qu’il adore ! Déjà, la chose était réalisée, au moins dans une certaine mesure, sous l’ancienne alliance, par le peuple (Exode 35:21) — par David et le peuple (1 Chroniques 29:9 et 17) — par les lévites, lors du réveil d’Ézéchias (2 Chroniques 29:34). Ce dernier passage, en particulier, est plein d’instruction pour nous. « Il y avait trop peu de sacrificateurs... ».  N’est-ce pas souvent le cas dans les réunions d’assemblée pour le culte ? « De l’abondance du cœur la bouche parle » (Matthieu 12:34 ; Luc 6:45). Y aurait-il donc si peu « d’abondance » dans le cœur qu’il y ait tant de bouches fermées ? — Celle du Psalmiste ne l’était pas, parce que son cœur brûlait au dedans de lui : « Mon cœur bouillonne d’une bonne parole ; je dis ce que j’ai composé au sujet du roi ; ma langue est le style d’un écrivain habile » (Ps. 45:1). Aux jours d’Ézéchias, les sacrificateurs (ou adorateurs) étant trop peu nombreux, les lévites (type des ministères ou dons dans l’assemblée) durent leur venir en aide ; ils furent « plus droits de cœur que les sacrificateurs pour se sanctifier ».

Nous avons cité de nombreux passages de la Parole qui suffisent certainement pour nous faire comprendre l’importance du sujet que nous venons de considérer. Mais il en est bien d’autres encore sur lesquels nous aurions pu nous arrêter avec profit. Cherchons-les individuellement dans les Écritures. Dieu veuille que la lecture et la méditation de ces diverses portions de sa Parole nous soient en bénédiction, réveillent les affections de nos cœurs pour Christ, nous fassent toujours mieux saisir et réaliser que le christianisme est avant tout affaire du cœur.

Nous ne voudrions pas terminer autrement qu’en rappelant la parole de la Sagesse à celui qu’elle a engendré et qu’elle veut instruire — ce que le Seigneur demande à chacun de nous à qui Il a tant donné

« Mon fils, donne-moi ton cœur » (Proverbes 23 v.26).

 

Rappel de la remarque préliminaire de l’éditeur

Lorsque l’on parle de cœur, il en s’agit pas d’expressions émotives de notre cœur naturel, mais du secret le plus profond de nous-mêmes (comme le cœur d’un arbre), et c’est à ce niveau-là, dans le cœur alors renouvelé, celui du nouvel homme, lors de sa naissance (forcément la nouvelle) que se développent de vraies et sincères affections pour le Seigneur Jésus !

Beaucoup de prédicateurs ne font pas cette différence importante, ce qui conduit les âmes dans une légèreté coupable ! Nous espérons, que la lecture de cette méditation du frère Paul Fuzier aura aidé le lecteur à mieux comprendre le message divin, et non seulement le comprendre, mais le laisser pénétrer dans le fond du cœur, afin de produire du fruit pour Dieu.