Pierre entre en tentation

Cette suite de messages est tirée d’une méditation du frère Henri Rossier, serviteur du Seigneur, parue dans le Messager Evangélique de 1888, et intitulée :

« Simon Pierre »

Accès aux différents chapitres:

Avant-propos

Chapitre 1 - «Je suis un homme pécheur »

Chapitre 2 - Pierre marchant sur les eaux

Chapitre 3 - La connaissance personnelle de Christ

Chapitre 4 - Venir après lui

Chapitre 5 - Le contempler dans la gloire

Chapitre 6 - La maison du Père

Chapitre 7 - La relation avec le Fils

Chapitre 8 - Sacrificature et communion

Chapitre 9 - Pierre entre en tentation

Chapitre 10 - Le sépulcre

Chapitre 11 - Le service

Chapitre 12 - L'âme restaurée

Chapitre 13 - Suis-moi


 

Chapitre 9 - Pierre entre en tentation

 

Et le Seigneur dit : Simon, Simon, voici, Satan a demandé à vous avoir pour vous cribler comme le blé ; mais moi, j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas ; et toi, quand une fois tu seras revenu, fortifie tes frères. — Et il lui dit : Seigneur, avec toi, je suis prêt à aller et en prison et à la mort. — Et il dit : Pierre, je te dis : le coq ne chantera point aujourd’hui, que premièrement tu n’aies nié trois fois de me connaître.

Et il leur dit : Quand je vous ai envoyés sans bourse, sans sac et sans sandales, avez-vous manqué de quelque chose ? Et ils dirent : De rien. Il leur dit donc : Mais maintenant, que celui qui a une bourse la prenne, et de même celui qui a un sac, et que celui qui n’a pas d’épée vende son vêtement et achète une épée. Car je vous dis, qu’il faut encore que ceci qui est écrit, soit accompli en moi : « Et il a été compté parmi les iniques ». Car aussi les choses qui me concernent vont avoir leur fin. Et ils dirent : Seigneur, voici ici deux épées. Et il leur dit : C’est assez.

Et sortant, il s’en alla, selon sa coutume, à la montagne des Oliviers, et les disciples aussi le suivirent. Et quand il fut en ce lieu-là, il leur dit : Priez que vous n’entriez pas en tentation. Et il s’éloigna d’eux lui-même environ d’un jet de pierre, et s’étant mis à genoux, il priait, disant : Père, si tu voulais faire passer cette coupe loin de moi ! Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui soit faite. Et un ange du ciel lui apparut, le fortifiant. Et étant dans l’angoisse du combat, il priait plus instamment ; et sa sueur devint comme des grumeaux de sang découlant sur la terre. Et s’étant levé de sa prière, il vint vers les disciples, qu’il trouva endormis de tristesse ; et il leur dit : Pourquoi dormez-vous ? Levez-vous, et priez afin que vous n’entriez pas en tentation.

Comme il parlait encore, voici une foule, et celui qui avait nom Judas, l’un des douze, les précédait ; et il s’approcha de Jésus, pour le baiser. Et Jésus lui dit : Judas, tu livres le fils de l’homme par un baiser ? Et ceux qui étaient autour de lui, voyant ce qui allait arriver, lui dirent : Seigneur, frapperons-nous de l’épée ? Et l’un d’entre eux frappa l’esclave du souverain sacrificateur et lui emporta l’oreille droite. Mais Jésus, répondant, dit : Laissez faire jusqu’ici ; et lui ayant touché l’oreille, il le guérit. Et Jésus dit aux principaux sacrificateurs et aux capitaines du temple et aux anciens qui étaient venus contre lui : Êtes-vous sortis comme contre un brigand avec des épées et des bâtons ? Lorsque j’étais tous les jours avec vous, dans le temple, vous n’avez pas étendu vos mains contre moi ; mais c’est ici votre heure, et le pouvoir des ténèbres.

Et se saisissant de lui, ils l’emmenèrent, et le conduisirent dans la maison du souverain sacrificateur. Or Pierre suivait de loin. Et lorsqu’ils eurent allumé un feu au milieu de la cour et qu’ils se furent assis ensemble, Pierre s’assit au milieu d’eux. Et une servante, le voyant assis auprès de la lumière, et l’ayant regardé fixement, dit : Celui-ci aussi était avec lui. Mais il le renia, disant : Femme, je ne le connais pas. Et peu après, un autre le voyant, dit : Et toi, tu es de ces gens-là. Mais Pierre dit: Ô homme, je n’en suis point. Et environ une heure après, un autre affirma, disant : En vérité, celui-ci aussi était avec lui ; car aussi il est Galiléen. Et Pierre dit : Ô homme, je ne sais ce que tu dis. Et à l’instant, comme il parlait encore, le coq chanta. Et le Seigneur, se tournant, regarda Pierre ; et Pierre se ressouvint de la parole du Seigneur, comme il lui avait dit : Avant que le coq chante, tu me renieras trois fois. Et Pierre, étant sorti dehors, pleura amèrement. (Luc 22 v.31-62)

 

Pierre avait appris dans la scène du lavage des pieds, ce qui était nécessaire pour être en communion avec le Seigneur. En repassant les bénédictions déroulées devant lui dès le début de sa carrière, il semblerait que le cercle en est complet et qu'il ne lui reste rien à apprendre… Il reste une chose, sans laquelle toutes ces bénédictions seraient sans effet, la connaissance et le jugement de la chair et de son absolue incapacité devant Dieu.

Le verset 31 du chapitre 22 de Luc introduit cette nouvelle scène : Satan avait demandé à avoir les pauvres disciples pour les cribler comme le blé. Comme dans le cas de Job, l'Ennemi s'était présenté devant Dieu pour les accuser. Se prévalant du moment favorable à ses desseins, où le Seigneur leur serait retiré et où ils seraient extérieurement sans défense, il avait demandé à les mettre sur le crible, bien certain qu'il n'y resterait rien que Dieu pût accepter. Satan pensait les arracher ainsi à Christ ; il se trompait. Sans doute, sur le crible il ne resterait rien de l'homme, mais ce que Dieu avait produit dans les disciples devait y rester. Dans sa haine, Satan ignore que, s'il a toute puissance sur la chair, il n'en a aucune sur Dieu et sur ce qui vient de lui. Dieu accorde à Satan sa demande, parce qu'il a des vues de grâce et d'amour envers Pierre et les disciples comme jadis envers Job. Simon va être abandonné aux mains de l'Ennemi pour apprendre à se connaître. Il fallait de telles voies pour le bénir ; elles furent autres envers Saul de Tarse.

En ce qui concerne Saul de Tarse, à sa première rencontre avec Christ, il acquit la connaissance de lui-même sur le chemin de Damas. Quelque pénible qu'elle fût, il eut le bonheur de la faire avec Dieu, et ne fut pas obligé d'y revenir. Dès le début, il put dire : «Je sais qu'en moi, c'est-à-dire en ma chair, il n'habite point de bien», et aussi: « Nous qui n'avons aucune confiance en la chair ». Avant cette rencontre, son caractère naturel arrivé à son entier développement, s'était manifesté pleinement dans ses fruits. Les circonstances avaient prouvé que sa chair était animée, sans raison et sans cause, de la plus terrible inimitié contre Christ qu'il fût possible de voir. Sa conscience, et il en avait beaucoup, car il dit: « J'ai pensé en moi-même qu'il fallait faire beaucoup contre le nom de Jésus le Nazaréen », l'avait constitué en ennemi acharné de Jésus.

Pierre, nous l'avons dit souvent, avait beaucoup d'amour pour le Seigneur. Si quelque chose était capable d'empêcher sa chair d'agir, et de la garder, c'était bien cela. Eh bien ! son amour pour Christ ne faisait que donner confiance à sa chair ! Même chez Paul qui avait appris sa leçon, la chair aurait voulu se servir plus tard de la communion avec Dieu, pour s'enorgueillir. Il faut à Paul l'ange de Satan pour le garder de chute, à Pierre il faut la chute et le crible de Satan pour lui ouvrir les yeux.

Mais si l'Ennemi avait déployé son activité, Christ s'était mis à l'œuvre avant lui et avait devancé le moment du crible : « J'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas » (verset 32). Il avait intercédé pour Pierre, avant même qu'il se passât quoi que ce fût dans la conscience du disciple.

La première fonction de la sacrificature, celle qui regarde Dieu, avait eu lieu sans que Pierre en sût rien, et en vue d'une chute qui n'était pas encore arrivée ; la seconde fonction commence après la chute, quand « le Seigneur se tournant, regarde Pierre » (verset 61), et atteint sa conscience.

Un seul regard de Christ est le point de départ de toutes les bénédictions qui suivront, en rappelant au cœur du disciple tout l'amour qui s'était employé à prévenir sa chute, en l'assurant que cet intarissable amour n'était pas altéré par son infidélité, en atteignant enfin sa conscience pour lui faire répandre les pleurs amers du repentir en présence de la grâce.

Alors seulement Pierre, une fois revenu, sera capable de fortifier ses frères (verset 32), pourra commencer à agir sur le cœur et la conscience des autres. L'action du ministère ne peut s'exercer que dans le jugement de soi-même : tout ce que Pierre avait appris auparavant, ne pouvait le qualifier pour une action bénie auprès de ses frères ; ce qui l'en rend capable, c'est la connaissance de la grâce, prenant son point de départ dans l'expérience qu'il a dû faire de son absolue indignité.

Maintenant (verset 33), le Seigneur laisse Pierre mettre au jour toute sa confiance en lui-même : « Seigneur, avec toi, je suis prêt à aller en prison et à la mort ». Je suis prêt, c'est bien la chair ! Prêt à tout affronter ! La chair, même avertie, a toujours confiance en elle-même. Si elle avait seulement un atome de force, l'avertissement si solennel du Sauveur aurait dû l'empêcher de tomber.

Le moment arrive où Pierre, abandonné à ses propres ressources (versets 35-38), accompagne le Seigneur en Gethsémané (versets 39-46). Le Maître aussi est laissé seul ; pas un de ses disciples ne veille une heure avec lui. « Veillez et priez », dit-il, « afin que vous n'entriez pas en tentation » (Matthieu 26 v.41). Veiller et prier, c'est ce que fait Jésus. Si Pierre avait écouté (il dormait devant la tentation, comme il dormait devant la gloire), la tentation l'aurait trouvé sur ses gardes et dans la dépendance de Dieu, et il n'y serait pas entré. Entrer en tentation, pour des êtres charnels, c'était succomber. Christ seul pouvait y entrer et en sortir divinement victorieux, et cette victoire, il ne la remporte que par la dépendance. Il aurait pu user de sa puissance pour se délivrer : rien qu'à sa vue, ses ennemis reculaient et tombaient en arrière ; il aurait pu demander des légions d'anges, mais il se soumet, supporte la trahison de Judas, abandonne tous ses droits (et quels droits !) entre les mains des hommes, muet comme une brebis devant celui qui la tond, sans une protestation, sans un murmure. Pierre ne veille ni ne prie, entre en tentation et succombe aussitôt. Impatient, il tire l'épée pour se défendre, fait couler le sang, au lieu d'accompagner le Seigneur pour être frappé comme lui. Il suit de loin, et entre dans la cour du souverain sacrificateur, la chair peut le mener jusque-là. Ici, toute sa force charnelle tombe et se réduit en poussière devant la parole d'une servante !

 

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Chapitre 10 - Le sépulcre